Hélène Dion

St-Hyacinthe le 4 novembre 2008,

Hélène Dion
Sommelière conseil
Université du vin Suze-la-Rousse
Journaliste, Courrier de Saint-Hyacinthe – www.lecourrier.qc.ca
hdion@lecourrier.qc.ca

Les fins de semaine du 20 et du 27 septembre, le vignoble maskoutain, le Château Fontaine, récoltait les fruits de ses 13 500 plants de vignes. J'ai participé à ces vendanges la première fin de semaine, armée d'un sécateur et protégée d'un chaud soleil d'automne. En trois heures à peine, 5 000 plants de vignes étaient dépouillés de leurs fruits par une quarantaine de vendangeurs.

En vins, cela signifie 6 000 bouteilles du vin rouge Justino, 1 500 bouteilles d'un vin blanc (premier millésime) et un peu de vin fortifié. Au Château Fontaine, on mise sur la rareté.
Quoi qu'on en dise, le vignoble québécois prend du tonus, une place bien à lui, différent et satisfaisant. Le réchauffement climatique a ses effets, surtout en période de prise de sucre du raisin, c'est-à-dire à la fin du cycle de maturation. Depuis un quart de siècle, le sud du Québec a gagné un mois sans gel. À la table des concours, le vin du Québec prend de plus en plus sa place. Pas moins de 358 médailles lui ont été attribuées, dont plus de 60 en 2008, parmi le Finger Lakes International Wine Competition de New York, le San Francisco International Wine Competition, le Tasters Guild International Wine Judging du Michigan, le All Canadian Wine Championships en Ontario et la Coupe des Nations de Québec.

« Au Québec, nous vendangeons un peu contre nature, mais nous détenons les cépages et les techniques qui permettent une saine viticulture », m'explique Jean Fontaine, en cueillant le raisin, tout en s'assurant du bon déroulement des vendanges, supervisées par Jean Berthelot, œnologue diplômé de l'Université de Bordeaux. Ce dernier s’occupe de la vinification des vins du domaine.

Ces variétés de raisins que l'on retrouve au Québec ont été créées pour survivre à nos hivers. Les cépages que l'on dit « nobles » et issus de la famille Vitis vinifera, c'est-à-dire les chardonnay, pinot noir, cabernets et cie, sont généralement en danger quand la température est en dessous de 15°C pendant l'hiver. Alors que les familles Vitis Labrusca et Vitis Riparia, principaux parents des cépages hybrides nord-américains, supportent le climat rigoureux, certaines vignes pouvant résister au froid, jusqu'à -38°C.

Au Château Fontaine, les variétés en récolte étaient le Sabrevois et le Frontenac, cépages hybrides capables de rendre des jus de raisin avec un bon équilibre et un bon pourcentage de sucres fermentescibles.
Le Sabrevois, résistant aux maladies et mature assez rapidement en saison, donne des vins colorés, pourvus de tanins et équilibrés. Parent du cépage Ste-Croix, à la base de plusieurs vins rosés du Québec, le Sabrevois occupe 15 % de la surface cultivée au Québec.



Légende de cette photo: La protection des vignes par des filets, installés un mois avant la récolte, a empêché les oiseaux de faire des raisins sucrés leur festin. Sur la photo : Jean Fontaine.


D'autre part, le Frontenac, avec ses grappes longues et lâches, a tendance à l'acidité, mais à maturité, donne un vin complexe et charnu. Son manque de tanins est compensé par l'assemblage avec le Sabrevois.
Au lendemain des vendanges, le propriétaire était satisfait. « On a eu une excellente récolte et l'on peut déjà présumer embouteiller 8 000 bouteilles de vin pour ce millésime.

Le Frontenac a très bien rendu cette année, tant dans le rouge que dans le blanc et le Sabrevois s'est avéré constant, avec une belle quantité de grappes », commente M. Fontaine.

Château Fontaine est le seul vignoble à Saint-Hyacinthe. Fondé il y a six ans par Jean Fontaine, également propriétaire de la compagnie de nutrition animale Jefo International, il englobe les cépages Sabrevois, Frontenac (rouge et gris) ainsi que le Prairie Star. Au total, 18 000 plants parsèment le terrain en bordure de l'autoroute 20. « Les 6000 vignes plantées cette année ne produiront que dans quatre ans », mentionne Jean Fontaine en faisant référence au Prairie Star.

Légende de cette photo: La plantation en pente des vignes du Château Fontaine permet un drainage naturel du sol.



Légende de cette photo: Le paysage du Château Fontaine est à l'image de la philosophie de vie de Jean Fontaine. « Faire fleurir le monde, passer à l'action et oser. »

René Gilbert, doyen conseiller à la SAQ reconnu pour ses précieux conseils, est désormais en charge de la promotion des vins du Château Fontaine. À la dégustation du Justino, il me prévient de laisser de côté tout le schéma d'analyse appris pour déguster des vins issus de Vitis vinifera. « Les vins du Québec sont dans un tout autre registre. Ses arômes lui sont particuliers et il faut réapprendre à déguster en quelque sorte. »

Le résultat est surprenant. Sorti de sa bouteille noire, le Justino, nommmé ainsi en l'honneur du fils de Jean Fontaine, mêle des arômes de cerises noires, de vanille, de fruits et une nuance boisée. Une belle couleur rubis, aux reflets légèrement violets, teinte un peu le verre, mais le tout se tient bien, tout en obéissant à la rondeur de la bouche. C'est souple et agréable, et il faut penser le boire frais. Il fait très bon ménage avec les fromages et les charcuteries.

Pour le moment, on peut déguster les vins du Château Fontaine, accompagnés d'un repas, sur place, en se rendant chez Terroir Et Cetera, le permis de vente d'alcool n'étant pas encore délivré.

Légende de cette photo: Après avoir été cueillis, les raisins prennent le chemin de l'égrappoir, afin de séparer les baies des rafles.