15 Novembre 2013 Par Michèle Herblin

Depuis plus d’un mois que je suis la préparation de Laurent Godbout et son commis Adam Martin pour la qualification nationale au Bocuse d’Or, je peux dire que ce matin je les ai trouvés radieux ces deux là!

Sont-ils des surhommes? Je n’en reviens pas du travail qu’ils sont capables d’abattre. Ces derniers temps, ils commencent leurs journées d’entrainement à 1h30 du matin, après avoir terminé le service du restaurant vers minuit. « On travaille plus de 100 heures par semaine », dit Adam, le sourire aux lèvres. Tous les jours ils refont inlassablement le menu qu’ils vont présenter au jury d’experts nationaux et représentants du Bocuse d’Or. Tous les jours ils notent précisément ce qu’ils doivent encore améliorer. Précision des gestes, rapidité, coordination, techniques culinaires, temps de cuisson, textures et saveurs, gestion du poste de travail et matériel sont passés à la loupe de leur exigence. Je les ai vus chercher comment faire encore mieux sur les moindres détails d’un tour de main ou d’une recette, discuter avec leur coach et tester de nouvelles techniques. « On ne peut pas se contenter d’à peu près, on doit être parfaitement satisfait de ce qu’on produit, on doit rester très vigilants » me dit Laurent.

« Ce qui est bien, constate le jeune apprenti, c’est que maintenant mon service du soir au restaurant est plus facile. J’ai tellement appris sur l’organisation que ça se fait tout seul!! » Adam s’émerveille de cette nouvelle maitrise du métier et de sa toute nouvelle confiance en lui qu’il commence à reconnaitre. « J’aime ça travailler en cuisine… je ne ressens pas de fatigue… et je garde toujours un peu de pression parce que ça m’aide à rester très concentré ». Encore un peu timide, le jeune commis réalise le pas de géant qu’il a fait en si peu de temps aux côtés de son chef. Il fait et refait pour atteindre la perfection, même si c’est difficile parfois.

« 100 fois sur le métier remettez votre ouvrage, polissez-le encore et le repolissez… » me rappelait récemment Christian Faure, le chef MOF qui vient d’ouvrir son école de pâtisserie dans le vieux Montréal, convaincu que l’année d’apprentissage doit reprendre toute sa place pour une acquisition solide du métier. Adam, 20 ans, l’a bien compris. Il compte ses découvertes, engrange les trucs et se réjouis de l’opportunité que lui a donné Laurent Godbout de participer à ce challenge.

Le chef quant à lui, tout en repoussant les limites de ses propres standards de qualité, s’attache à sécuriser l’équipe en peaufinant l’organisation et la logistique.  « On a tout organisé pour se faciliter le travail. Les deux échelles de matériel sont prêtes. On a chacun la nôtre, rangée du haut en bas » selon les étapes du processus de fabrication. Il faut 5 heures pour préparer les échelles, nettoyer et ranger le matériel ! Laurent Godbout l’inventif, a même créé un matériel spécifique pour l’occasion, qu’on ne manquera pas de voir prochainement dans toutes les cuisines, gageons-le…. Mais chut! Il y a embargo jusqu’à la compétition, comme pour les plats !

J-3… l’équipe est concentrée, mais pas nerveuse.

« On a vraiment donné notre 110%, dit le chef, on se sent prêts! »Ils se sont donné 2 jours pour  se mettre en forme et prendre le temps d’une ultime vérification de leur liste de matériel… et une dernière pratique pour une dégustation aujourd’hui, à laquelle j’ai eu la chance de participer… wahoo!!!! … mais non, je ne dirai toujours rien!

Laurent et Adam scrutent nos réactions, impassibles mais attentifs. Ils expliquent, donnent quelques détails croustillants du chemin parcouru, quelques chiffres aussi rappelant les sommes colossales que représente une telle préparation. On les sent heureux, bien dans leur peau et pourtant si modestes.

«Une compétition c’est une compétition, rappelle Laurent. Si nous ne gagnons pas, c’est que ce jour là les autres seront meilleurs que nous. Nous savons que nous avons donné le meilleur, nous nous sommes dépassés et nous avons beaucoup appris de ces 6 derniers mois »… Ils ne sont ni fatalistes, ni désabusés et, croyez-moi, la compétition les habite, la rage de gagner est en eux. Comme des athlètes, on n’arrive pas à ce niveau par hasard me disait Jean Luc Boulay récemment, « ce n’est pas tout le monde qui aime les concours. Laurent, lui, est un compétiteur, il veut se confronter au plus haut niveau ».

Adrénaline, dépassement de soi, stimulation de créativité, quel que soit votre mobil, nous vous souhaitons le meilleur, les gars… Messieurs, devrais-je dire.

Votre détermination est impressionnante. Vous méritez vraiment notre respect.

Bonne chance!

Michèle Herblin