Le Charmeur d'abeilles

01 Novembre 2015 Par Édith Mercier

J'avais vraiment l'impression que j'allais à la rencontre d'un conseiller en vin s'étant trouvé une passion pour l'apiculture. Plusieurs personnes m'avaient décrit le personnage : « Jocelyn, c'est un passionné, un vrai! » « Tu vas voir, c'est un novateur. » 

Jocelyn Bouliane

Je ne comprenais pas tout l'engouement qu'il suscitait quand mes confrères parlaient de lui. Après une brève conversation téléphonique avec lui, il m'invite à aller visiter sa miellerie dans le cadre de la journée porte ouverte sur les Fermes du Québec organisée par l'UPA (Union des Producteurs Agricoles). 

Il pleuvait des cordes, mais la rue était bondée d'automobilistes cherchant un stationnement pour se rendre aux Ruchers du Troubadour. Arrivé sur place, tout était organisé pour accueillir les invités avec de délicieuses dégustations des différentes variétés de miel. La visite fut très constructive. Jocelyn a su s'entourer de personnes aussi passionnées que lui pour donner une information plus détaillée sur la production du miel et l'élevage de colonies d'abeilles. Plusieurs panneaux apportaient des précisions supplémentaires et l'on pouvait même observer une ruche de l'intérieur. Les propos des animateurs étaient très instructifs et pertinents. Bref, le genre de visite où on se dit : « Je vais me coucher moins niaiseuse ce soir! »

Une fois la visite terminée, je rejoins Jocelyn au kiosque des hydromels. On ne doit pas se le cacher, il s'agissait de 50 % des raisons pourquoi je m'étais déplacée jusqu'à Rawdon! Je commençais à discuter avec lui et il me fit découvrir quelques-unes des ses cuvées.

Conseiller, agronome, apiculteur, et j'en passe...

Tout d'abord, il est agronome de formation et conseiller en vin par la bande. Une vieille job d'étudiant qui lui colle à la peau et dont il ne veut se départir. Avec Louis-Philippe Hébert et Michel Lavoie (Fondateur de Invinum),  ils font les 400 coups à la succursale SAQ Ste-Rose à Laval.

C'est dans les années 90 qu'il acquiert ses deux premières ruches après qu'un ami à lui se soit initié à la science des abeilles. Il pogne la piqûre également!! En 2004 naissent les Ruchers du Troubadour, petite entreprise familiale qui lui permet d'explorer avec fantaisie les mille et une possibilités que lui offre le miel. Après avoir élaboré plusieurs variétés de miel (le miel crémeux au propolis est génial!), il décide de se lancer dans la confection d'hydromel. Pour ce faire, il court perfectionner sa formation par un cours avancé de brassage et manipulation des levures en 2007 et un cours d'initiation à la liquoristerie en 2009. Mais il est loin d'en rester là. L'agronome en lui n'est pas très loin ce qui l'incite à faire pousser son propre houblon, ingrédient à part entière dans l'élaboration de ses hydromels. Il est maintenant le fier producteur d'une dizaine de variétés de miel, de trois types de mousseux, de méthode traditionnelle et élevée sur lie 4 ans, d'un liquoreux ainsi que d'une soixantaine de plants de houblon.

Les néonécotidoïdes; les quoi??

Questionné sur la situation alarmante de l'extinction des abeilles, il répond sans la moindre hésitation : « C'est la faute aux néonécotidoïdes. » Un pesticide largement épandu dans les champs de maïs et de soya. Alors qu'il y a quelques années à peine, les gens se moquaient des apiculteurs urbains en prétendant que la pollution était trop importante dans les villes pour que les abeilles produisent du bon miel ou pire « survivent » à cet environnement, il semble que ces mêmes apiculteurs aient eu, au contraire, du flair. Effectivement, le nombre de colonies ne cesse de chuter dans les secteurs ruraux. Jocelyn est lui-même passé de 130 colonies il y a quelques années à peine, à une seule cette année. Et tout ça à cause de ce pesticide. Les preuves ne sont plus, hélas à faire, les producteurs urbains éprouvent beaucoup moins de difficultés avec la survie de leurs colonies que leurs confrères ruraux.

Aussi interrogé sur les solutions pour favoriser le développement des colonies, il répond : 

« Il faut éloigner les colonies d'abeilles des champs de maïs et de soya (plus de 3 km de distance). Il faut se rendre plus au nord, car les unités thermiques permettent moins ces cultures (Lac St-Jean, Abitibi...) Ensuite, c'est la partie de la politique. Il y a du développement, car la volonté politique prévoit d'en deux ans l'abolition des néonécotidoïdes. Il ne faut pas oublier que la matière active des néonécotidoïdes reste 2 ans dans le sol. Donc, si tout se déroule comme prévu, il y a encore 4 ans au minimum de difficulté pour les abeilles et tous les autres insectes des écosystèmes... ainsi que les oiseaux qui mangent les insectes contaminés... il y a un bris dans la chaîne alimentaire. »

Pour la suite...

Maintenant à quoi peut-on s'attendre de Jocelyn? Sûrement à d'autres expériences, de nouveaux produits, une nouvelle élaboration ou quelque chose du genre, mais assurément quelque chose qu'il aura fait lui même avec toujours cette même énergie contagieuse et débordante qui le caractérise. Quelque chose de nouveau qui allie respect de la nature et innovation, bref on peut s'attendre à tout surtout à réentendre parler de lui. Du conseiller en vin passionné des abeilles que je m'attendais à rencontrer, à l'agronome-apiculteur que j'ai découvert, une seule chose à dire : rien ne l'arrête. De la production d'hydromel, à la culture de son houblon en passant par l'entreposage de ses colonies dans son sous-sol l'hiver qui est également sa miellerie, Jocelyn est un homme minutieux qui a tout pour sortir des sentiers battus... une véritable abeille en quelque sorte qui butine large.

Hydromel Dourment, 25$, disponible à la boutique de l'entreprise

Aromatique avec des odeurs de gingembre et d'épices, l'acidité est rafraîchissante et l'alcool léger (10.5 %). Idéal pour accompagner les sushis, à moins que ce soit les bulles et le gingembre qui me montent à la tête...

Vous pouvez visiter le site web des Ruchers du Troubadour pour obtenir de plus amples informations sur l'entreprise et ses produits.

Edith Mercier alias La Cépagienne